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Etats-Unis : Défense et politique étrangère

Publié le par Felli Bernard

Etats-Unis : Défense et politique étrangère

MAI 2014

Maya Kandel, responsable du programme Etats-Unis à l’IRSEM

Sommaire

Afrique, une présence pour le long terme .......................................................................................... 1

Europe, réassurance et retour de l’OTAN ? ........................................................................................ 3

Moyen-Orient, Golfe, la quête d’un nouvel équilibre ......................................................................... 3

Asie, le pivot sous pression à Shangri-La ............................................................................................. 3

L’Arctique, région d’avenir .................................................................................................................. 4

L’emploi de la force et les armes du 21e siècle ................................................................................... 4

Cyber, NSA, le grand débat continue .................................................................................................. 5

Le mois dernier a été marqué par un regain d’attention de Washington pour l’Afrique, lié bien sûr à

l’actualité (Boko Haram) ; le maintien d’une présence militaire américaine sur le long terme a été

confirmé avec la reconduction de l’accord entre les Etats-Unis et Djibouti.

Pour le reste, on pourrait presque résumer la politique étrangère américaine au terme de

réassurance, point commun de multiples initiatives récentes, de l’Europe à l’Asie en passant par le

Golfe. Réassurance partout donc, défense anti-missiles toujours, mais aussi réflexion sur l’évolution

de l’American way of war, l’emploi de la force et le rôle de la NSA.

Enfin, déclenché sans doute par l’évolution de la relation américano-russe également, on notera un

intérêt plus marqué à Washington pour l’Arctique, du côté du Pentagone et soutenu par le Congrès –

donc à suivre.

Afrique, une présence pour le long terme

Le Nigeria a été au coeur de l’actualité le mois dernier. On pourra consulter cet utile Backgrounder du

CFR sur l’implication, les intérêts et les stratégies possibles des Etats-Unis au Nigeria. Du côté du

Congrès, les lois Leahy ont constitué un « obstacle significatif » à l’implication de l’armée américaine

dans l’entraînement d’unités de l’armée nigériane. L’enlèvement des jeunes lycéennes par Boko

Haram a levé certains obstacles grâce à la demande officielle d’aide par le président Jonathan, et

semble conduire à une augmentation de l’implication américaine. En particulier, cet article parle de

collaboration sans précédent dans le domaine de l’échange de renseignement. Le Congrès est

demeuré très impliqué (du moins jusqu’au scandale suivant concernant les vétérans) organisant

notamment une audition avec un témoin nigérian qui a raconté aux élus américains son enlèvement

par Boko Haram. Enfin, les Etats-Unis ont finalement dépêché une équipe de 80 militaires pour aider

le gouvernement nigérian dans la lutte contre Boko Haram. Il s’agirait d’une équipe de soutien aux

drones Predator (mais l’article ne précise pas le nombre de drones déplacés sur le Nigeria).

Dans l’Amérique post-Benghazi (l’attaque de septembre 2012 qui a coûté la vie à l’Ambassadeur

américain en Libye, également une affaire hautement politisée aux Etats-Unis car utilisée comme

« frappe préventive » des républicains contre la candidature potentielle d’Hillary Clinton), c’est

devenu la nouvelle norme, le « new normal » : les équipes d’intervention d’urgence (crisis response

teams) se généralisent. L’une d’entre elles, pour l’Afrique et basée en Espagne, a été déplacée en

Sicile pour répondre à de nouvelles inquiétudes concernant l’Afrique du Nord (apparemment en

Libye). Toujours sur la Libye, le projet américain de formation de troupes libyennes est au point mort

pour des problèmes de financement et de sécurité. Voir aussi sur la Libye le très bon rapport du CRS.

Enfin, on pourra lire le riche témoignage de F. Wherey au Congrès sur « la crise de sécurité libyenne

et comme les Etats-Unis peuvent aider ».

Djibouti demeure le coeur, le « hub » de l’anti-terrorisme américain, comme le montre la

reconduction de l’accord entre Djibouti et les Etats-Unis pour 10 ans, renouvelable 10 ans. Une

présence augmentée, qui confirme que les Etats-Unis sont là pour le long terme en Afrique. Par

ailleurs, le Pentagone a prévu de dépenser plus d’un milliard de dollars sur les 25 prochaines années

pour rénover et étendre la base de Camp Lemonnier. Enfin, il semblerait, selon le New York Times,

que la Russie ait également approché le gouvernement de Djibouti pour une éventuelle base, ce que

les autorités locales auraient refusé (on imagine sous amicale pression de Washington).

Les auditions du mois dernier ont par ailleurs confirmé que, pour le Congrès, AFRICOM est désormais

en première ligne dans la nouvelle phase de la lutte anti-terroriste. Sur ce sujet, on pourra lire cet

article intéressant sur le contre-terrorisme en Afrique et les Etats faillis dans la revue de sécurité de

la Fletcher School, université qui a un bon département de relations internationales.

A noter, ces révélations du New York Times sur l’entraînement d’unités contre-terroristes africaines

par des forces spéciales américaines en Libye, Niger, Mauritanie, Mali. Ces « révélations » ont

précédé de deux jours le discours de politique étrangère que le président Obama a prononcé à

l’Académie militaire de Westpoint (voir aussi ci-dessous), dont l’aspect le plus novateur est sans

doute l’annonce de la création d’un nouveau fonds destiné à la lutte contre-terroriste avec des

partenaires des Etats-Unis « du Sahel à l’Asie de l’Est » de 5 milliards de dollars (« Counterterrorism

Partnerships Fund »). En réalité, plusieurs programmes existent déjà au sein du budget du Pentagone

depuis 2005 pour les plus anciens (voir cet article), mais il y aurait là, si le Congrès accepte de voter le

nouveau budget, un saut quantitatif. Certains commentateurs notent par ailleurs les furieuses

ressemblances entre ce nouveau plan et la « Global War on Terrorism » de George W. Bush.

On lira surtout cet article certainement le plus intéressant sur le discours de Westpoint (car la plupart

sont très attendus sur la lassitude de la population américaine et la « faiblesse » ou non du

leadership sous Obama), qui s’interroge sur le bilan de l’expérience américaine récente en matière

de contre-terrorisme et contre-insurrection. Toujours sur le discours d’ Obama à Westpoint : le texte

intégral du discours, les réactions des experts de la Brookings, et celle du public américain.

A consulter également, l’index 2013 des Etats faillis où les pays africains figurent en bonne place.

Enfin, on notera que Washington a nommé un ambassadeur en Somalie pour la première fois depuis

23 ans.

3

Europe, réassurance et retour de l’OTAN ?

Alors qu’on avait beaucoup parlé il y a peu du départ des derniers chars américains d’Europe, les

voici de retour – la crise ukrainienne est passée par là. A lire également cet article sur le rôle dévolu à

l’Europe dans la dernière QDR américaine, qualifié de « pas complètement irréaliste mais clairement

ambitieux ». Enfin, voici une enquête intéressante sur la guerre de l’information dans la crise

ukrainienne : la guerre des agences de relations publiques à Washington et qui les emploie.

Obama a donc annoncé lors de son voyage en Europe une nouvelle initiative américaine pour

l’Europe (European Reassurance Initiative) en direction de l’OTAN et particulièrement ses membres

d’Europe orientale : en voici la « factsheet » détaillée sur le site de la Maison Blanche. Côté défense,

les projets du Pentagone pour l’Europe, si le Congrès accepte de financer cet autre nouveau fond,

incluent une augmentation des rotations de troupes, des exercices conjoints, et l’envoi de matériels

supplémentaires.

Toujours sur l’OTAN, certains se demandent si la fin de l’ISAF signe la fin de l’OTAN, en réponse à

l’annonce d’Obama sur les 9800 soldats américains destinés à rester sur place post-2014 (9800 sans

compter les sociétés militaires privées, note judicieusement cet article).

Enfin pour finir, la Triade 2.0 selon Foreign Affairs, ou comment les tensions entre Moscou et

Washington ont relancé le triangle Chine/Russie/Etats-Unis, en mettant cette fois la Chine en

position de force.

Moyen-Orient, Golfe, la quête d’un nouvel équilibre

L’Irak veut des drones et acceptera des militaires américains sur son sol si telle est la condition. Le

Congrès de son côté veut un pacte militaire avec les pays du Golfe (à destination de l’Iran).

Toujours sur le Golfe, Hagel est retourné dans la région pour rassurer les alliés américains. Il les a

également encouragés à accélérer la mise en place d’un système de défense anti-missiles intégré.

Peu après c’est le CEMA américain Dempsey qui a refait une nouvelle tournée, toujours en « mode

réassurance ». Pour en savoir plus sur la stratégie américaine dans le Golfe, voir ce rapport de la

Carnegie sur la recherche par Washington d’un nouvel équilibre dans la région (et ici). Enfin, qui

dépense le plus pour influencer la politique américaine ? En 2013 : les Emirats Arabes Unis.

Les batailles entre le Congrès et l’administration touchent de plus en plus de sujets, mais sur la

politique étrangère on notera le mois dernier en particulier les divisions sur les hélicoptères à

destination de l’Egypte et sur l’aide aux Palestiniens après l’accord Fatah-Hamas.

A lire absolument, cet entretien avec l’ambassadeur américain en Syrie Robert Ford qui explique ici

pourquoi il démissionne. Il éclaire notamment les divisions et désaccords entre la Maison Blanche et

le département d’Etat sur la Syrie.

Asie, le pivot sous pression à Shangri-La

Le Congrès semble avoir enfin décidé de s’impliquer sérieusement dans la stratégie du pivot ou

rééquilibrage vers l’Asie. Mais les obstacles à cette politique viennent également du Congrès, qui

relaie l’opposition à ce qui devait être l’un des éléments-clés du pivot, le Traité TransPacifique (TPP).

Obama a du souci à se faire car l’opposition émane davantage des démocrates que des républicains.

Pour l’instant, les négociations semblent devoir rester au point mort jusqu’aux midterms de

novembre, car le sujet est potentiellement trop dangereux pour les démocrates en campagne.

4

A ce propos, on pourra lire cet article intéressant sur les obstacles au leadership américain émanant

du Congrès, qui brouillent les signaux envoyés par Washington et donc la politique étrangère

américaine (car le TPP n’est pas seul en cause, il y a aussi la réforme du FMI, la ratification de la

Convention sur le droit de la mer, la collaboration avec la justice internationale, etc.).

Sur Shangri-La, ce compte-rendu pointe les inquiétudes dans la région face à la Chine, inquiétudes

qui provoquent des appels à une plus forte implication américaine. La politique américaine semble

axée sur les efforts pour faire évoluer l’architecture de sécurité en Asie, efforts qui ne pourront

porter que sur le long terme et Washington en est conscient. Enfin cet article note que les échanges

ont été particulièrement « caustiques », comme on n’en avait pas vu depuis des années entre Japon,

Chine et Etats-Unis particulièrement.

Shangri-La aura par ailleurs été l’occasion de noter que si le discours d’Obama et les efforts de

l’essentiel de son équipe de politique étrangère semblent focalisés sur le contre-terrorisme, Hagel lui

est en charge de l’Asie et du pivot. Hagel a par ailleurs profité de Shangri-La pour présenter les

avancées sur la défense anti-missiles en Asie, insistant encore sur la volonté américaine d’intégrer

dans un système « trilatéral » Corée du Sud et Japon – mais des obstacles demeurent entre Séoul et

Tokyo.

Enfin voici un curieux article sur la stratégie chinoise face aux porte-avions américains dans le

Pacifique, reposant apparemment sur le principe que « la quantité peut vaincre la qualité ».

L’Arctique, région d’avenir

L’Arctique est à l’honneur à Washington. Implication du Pentagone d’abord, qui étudie les capacités

nécessaires pour booster sa présence dans la région. Le Congrès de son côté demande que soit

nommé un ambassadeur américain pour l’Arctique, pour réaffirmer que les Etats-Unis sont bien une

nation de l’Arctique (un message à Poutine semble-t-il). Enfin, Foreign Policy présente une brève et

utile histoire de la souveraineté en Arctique ; voir également un document similaire avec une

vocation prospective par le CFR.

L’emploi de la force et les armes du 21e siècle

Les partenariats sont devenus la forme privilégiée, la norme dit cet article, de l’engagement

américain à l’étranger. Une question qui se pose est de savoir dans quelle mesure il faut équiper les

partenaires avec les « armes du 21e siècle ». Sur le même sujet, voir aussi ce rapport du think tank

européen FRIDE. A lire avec cette interview du général Odierno (chef d’état major de l’Army) sur

l’avenir de l’armée, qui explique que « aujourd’hui un soldat américain déployé à l’étranger coûte

deux fois plus cher qu’en 2001 ». Par ailleurs, l’US Army a remis a jour son manuel de contreinsurrection.

Le CNAS présente un rapport sur les questions-clés posées par la QDR, ainsi qu’un fort utile autre

rapport sur « la robotique du champ de bataille » et les avantages opérationnels des « systèmes

inhabités autonomes ». Enfin cet article de Breaking Defense présente la nouvelle flotte

expéditionnaire américaine, avec l’Asie en ligne de mire.

Sur la question de l’emploi et de l’autorisation de la force, on notera que lors des débats au Congrès

sur la loi d’autorisation (première phase de la loi budgétaire) du Pentagone pour 2015 la Chambre a

rejeté par 233 contre 191 une proposition qui visait à déclarer l’expiration de l’autorisation d’utiliser

la force votée après les attentats du 11 septembre 2001. Micah Zenko signe par ailleurs un article

5

pertinent sur les changements dans l’emploi des drones armés depuis le discours d’Obama en mai

2013 à la NDU, il y a un an, qui annonçait de nombreuses inflexions : le bilan est maigre.

Enfin le dernier numéro du magazine The American Interest (mai-juin 2014) offre une sélection

intéressante sur le désengagement américain (« America Self-Contained? ») avec des points de vue

avec des points de vue

d’universitaires et d’experts du monde entier.

Cyber, NSA, le grand débat continue

Sur le « grand débat » sur vie privée vs. sécurité nationale, on pourra lire cet essai de la Brookings

intitulé « Life Liberty and the Pursuit of Terrorists ».

La loi pour restreindre les pouvoirs de la NSA (« USA Freedom Act ») a été approuvée par une

majorité bipartisane à la Chambre. Les changements, s’ils sont validés par le Sénat (ce qui est loin

d’être gagné), représenteraient un recul sans précédent pour la NSA depuis plus de dix ans. Mais en

réalité, beaucoup critiquent déjà cette loi de compromis qui est revenue sur les mesures les plus

radicales, et les entreprises comme Facebook ou Google avaient d’ailleurs retiré leur soutien

quelques jours avant le vote en raison de ces mêmes compromis.

Sur le cyber toujours, cette interview de Gates épingle les Français, « sans doute les plus capables

après les Chinois en matière de cyberespionnage, et depuis longtemps ».

Enfin, un article sur « la signification stratégique du cyber parmi les espaces communs » (si tant est

qu’Internet en fasse vraiment partie) (“The Strategic Significance of the Internet Commons”)

Retrouvez cette note ainsi que les précédentes sur le site de l’IRSEM ici. Vous pouvez également

suivre mon compte Twitter de veille sur les Etats-Unis ici.

Etats-Unis : Défense et politique étrangère
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