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L’ENM ou l’Ecole nationale de l’injustice

Publié le par Felli Bernard

P.Van Ommesmaeghe
P.Van Ommesmaeghe

L’ENM ou l’Ecole nationale de l’injustice

Le 20 septembre 2014

La relaxe des Femen et la condamnation simultanée des vigiles de la cathédrale Notre-Dame est un nouvel épisode de ceux qui, de la répression contre la Manif pour Tous au mur des cons, alimentent le sentiment d’une justice à deux vitesses. Incontestablement, il y a un malaise dans la justice française, les magistrats étant soupçonnés, non sans raison, d’être plus souvent mus par l’idéologie que par le souci de justice. Comment expliquer une telle dérive ? Peut-être faut-il chercher du côté de leur formation.

Ils sont formés par l’ENM (École Nationale de la Magistrature) depuis 1958. Ils y entrent par concours, la plupart après un diplôme de niveau bac+5, et y suivent une formation de 31 mois. C’est la grande école chargée de former les juges, comme Saint-Cyr forme les officiers et l’Ecole nationale d’Administration (ENA) les hauts fonctionnaires. Si ce système des grandes écoles est assez spécifiquement français, il est notre façon de produire une élite et beaucoup d’autres écoles existent (Ecole normale supérieure, Polytechnique, Mines, etc.). Pourquoi alors pointer l’ENM ?

Une grande école produit un esprit de corps : sentiment d’appartenir à une élite, codes et valeurs communs, solidarité entre camarades d’école. C’est une part de leur attractivité et de leur efficacité. C’est même un atout pour les écoles militaires, cet esprit de corps pouvant se révéler précieux sur le champ de bataille. Mais cela entraîne souvent une certaine suffisance, le sentiment d’avoir raison seuls contre le reste du monde, puisqu’on est entre spécialistes, sachant de quoi on parle, face aux ignorants. Dans le privé cela ne portera pas trop à conséquence, le recrutement des cadres étant variés et les débouchés des diplômés aussi.

Quand il s’agit de former des gens destinés au service du pays c’est plus problématique car alors un intérêt privé, celui du corps issu de l’école, prend le pas sur le bien commun. Dans les écoles militaires, l’esprit de corps c’est le service de la France. Dans les écoles techniques (Ponts et Chaussées par exemple), si cet esprit de corps a pu entraîner des choix techniques parfois contesté (le programme nucléaire par exemple) il s’agit d’aspects techniques, certes importants mais secondaires, de ce bien commun. Mais pour l’ENM, il s’agit de la justice, le cœur même du bien commun, une raison d’être centrale de l’État, un domaine proprement régalien.

Tous les étudiants de l’ENM deviennent juges. Quasiment tous les juges viennent de l’ENM (seule un petite minorité est nommée sur titre). Comment n’en viendraient-ils pas à considérer que la justice est leur affaire, leur chose, en étant les experts et les praticiens, qu’eux seuls sont légitimes, plus que le législateur, plus même que le peuple, pour dire la loi, pour décréter ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. L’exemple parfait de la technocratie.

Sans doute une des premières mesures à pendre pour que les juges reprennent le chemin du bien commun serait la suppression de l’ENM. De même que la suppression de l’ENA permettrait de retrouver des hauts fonctionnaires soucieux de l’État.

L’ENM ou l’Ecole nationale de l’injustice
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