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[Reprise] Exquise barbarie (Fleur Pellerin et Modiano), par Claude Askolovitch

Publié le par Felli Bernard

Fleur PELLERIN
Fleur PELLERIN

9

Nov

2014

[Reprise] Exquise barbarie (Fleur Pellerin et Modiano), par Claude Askolovitch

Allez un sujet plus léger pour commencer… Avec 3 regards opposés sur un petit débat – à vous de vous faire votre opinion…

Mais enfin, quand même :

  1. ne pas avoir lu Modiano en général, je comrpends, mais aller déjeuner avec lui sans avoir lu ne serait-ce que sa fiche Wikipédia, c’est assez incroyable (elle n’a pas de conseillers à son cabinet ?). Mais ils ont parlé de quoi alors ???
  2. elle n’a donc lu aucun livre de fond en rapport avec l’actualité de la Culture… Cela en dit long sur ce qu’est un ministre aujourd’hui, et sa capacité à comprendre le monde pour prendre de bonnes décisions… C’est devenu un moulin à Twitter et interventions creuses dans les médias, validant ce que la technostructure (qui lit des livres, elle) lui dit de valider…
  3. pire encore, et personne ne l’a noté, mais 2 ans ministre du numérique, et la dame n’a donc pas lu un seul des livres sur l’affaire Snowden !!!! (eh oui, ça sert à ça des livres pour un ministre, ce n’est pas seulement comme aller à une expo…). Super, merci pour nos libertés…

Exquise barbarie (Fleur Pellerin et Modiano)

Par Claude Askolovitch.

Ayant donc déjeuné et “beaucoup rigolé” avec Patrick Modiano, quel homme charmant, quel repas “formidable”! – la ministre de la Culture raconta cette rencontre épatante sur un plateau de télévision et (personne ne pensait à mal) se vit demander quel livre de ce bonhomme exquis elle préférait aux autres.Elle n’en avait lu aucun. Ce fut un instant gênant; ce que l’on ressent quand, devant vous, quelqu’un se met dans un mauvais cas, lâche une incongruité, on a pour lui une sympathie désolée… Mais Fleur Pellerin est plus solide que notre empathie et – après tout, c’était moins grave qu’un trou au grand oral de l’ENA – elle se ressaisit ainsi: “J’avoue sans aucun problème que je n’ai pas du tout le temps de lire depuis deux ans. Je lis beaucoup de notes, beaucoup de textes de loi, les nouvelles, les dépêches AFP mais je lis très peu.”

Répétons: “Je lis très peu”, assuma donc “sans aucun problème” la ministre de la Culture, et, à cette heure elle n’a pas encore démissionné. C’est regrettable. Fleur Pellerin, ce dimanche dans Le Supplément, nous a fait basculer un peu plus vers l’état de barbarie -plus sûrement que tous les fascistes profanateurs d’art phallique ou contemporain, plus cruellement qu’une Zahia en icône de la FIAC, plus brutalement que toutes les vulgarités du moment. Fleur Pellerin – femme d’élite, femme jeune, femme brillante – lit des notes, Fleur Pellerin – femme d’élite, femme jeune, femme d’un avenir possible des gauches – lit les dépêches, Fleur Pellerin, ministre de la Culture, ne lit pas Modiano, et lit très peu en général.

Lire aussi :

La Barbarie est ici. Si l’on peut être ministre de la Culture sans lire, alors nous ne sommes plus que technique et budgétisation, et rien ne nous élèvera plus, et l’âme est un leurre, et tous les mots qui nous ont inventés plus grands que nous-mêmes – “C’embêtant dit Dieu, quand il n’y aura plus ces Français”- valent moins qu’une note de cabinet. Ce n’est pas seulement que Fleur Pellerin n’a jamais lu Modiano qui, il y a deux ans, avant que sa carrière ministérielle ne la happe, avait déjà un peu publié. Ce n’est pas seulement que, Modiano nobelisé, Fleur Pellerin n’a pas eu la moindre curiosité pour son oeuvre – n’a même pas pensé à aller regarder un livre, un seul, de cet homme couronné – n’a pas été fichue de retenir un titre, un seul, une phrase, pour faire illusion. Non. Le pire est ailleurs: elle n’a pas voulu faire illusion. La barbarie est donc exquise, qui se drape d’honnêteté et s’exprime en transparence, vertu contemporaine…

Il est de bon ton de considérer que Jérôme Cahuzac, jadis ministre du Budget et titulaire d’un compte bancaire off-shore, est le plus grand coupable de notre vie politique. Pourtant, Cahuzac a moins transgressé que Fleur Pellerin. Cahuzac cachait son compte et mentait -ô combien! Mais il mentait parce qu’il savait qu’il avait tort; mentant, il nous disait qu’il avait tort; il savait qu’il s’était mis dans l’impossible. Son mensonge et sa honte validaient, a contrario, la supériorité d’un monde où les ministres ne bafouent pas l’ordre fiscal, où l’honnêteté est la norme et la fraude une hérésie.

Fleur Pellerin, elle, ne songe pas à mentir. Elle ne songe pas, une minute, qu’il faudrait qu’elle mente, parce qu’on ne doit pas laisser croire aux enfants de ce pays que le livre est sans importance, pour que personne ne puisse penser que l’on peut devenir ministre des arts, des lettres, de la musique et des musées en déjeûnant avec un prix Nobel de littérature sans l’avoir lu.

Trop tard. C’est vrai. On peut. La preuve.

Lire ne compte pas, ne pas lire n’empêche rien. Fleur Pellerin le démontre. On peut ne pas lire Modiano (en lire un seul, juste un, quitte, après tout, à ne pas aimer) et être brillante et ministre place de Valois. Un jour, quelqu’un, pas Manuel Valls (qui lit) mais François Hollande (qui nomme) a proposé à Fleur Pellerin de récupérer le ministère de Malraux, Lang et Frédéric Mitterrand – et elle a accepté; et pas un moment, elle ne s’est dit que ce n’était pas pour elle, qu’elle pouvait passer ce tour-là ? A-t-elle douté ? S’est-elle dit qu’il y avait, dans la Culture, une part de sacré avec laquelle on ne pouvait pas jouer ? Elle y est allée, tant on peut indifféremment administrer le Commerce extérieur, la nouvelle économie, la littérature et la musique et les choux farcis. Est-ce notre vérité ?

Ses amis prétendent qu’elle fut lectrice, et souffrirait de la privation. Que ne l’a-t-elle dit en plateau, qu’elle souffrait et regrettait d’être exilée loin des livres, et qu’elle vivait dans l’absurde, ministre de la beauté des choses forcée à l’inculture. Elle devrait partir, Fleur Pellerin, et l’on trouvera toujours quelqu’un pour raboter le budget de la danse et taxer les cartouches d’encre, si c’est désormais le sujet. Elle partirait, on lui demanderait pourquoi, elle dirait, “je vais lire Modiano”, et quand elle reviendrait, elle serait encore présidentiable.

Retrouvez Claude Askolovitch sur Twitter.

Source : Huffington Post

Fleur Pellerin a commis un péché mortel !

Par Philippe Bilger .

Dans une France qui va mal et qui a failli être humiliée par Bruxelles, notre ministre de la culture Fleur Pellerin a commis un péché mortel : si elle a déjeuné avec notre prix Nobel de littérature – cette distinction est beaucoup, voire trop pour lui à mon sens -, elle n’a pas été capable de citer un seul titre de ses romans.

Patrick Modiano s’en est sans doute très bien remis mais l’ébullition qui a suivi cet épisode “capital” de notre vie publique pourrait laisser penser que le destin de notre pays ne tient plus qu’à un fil : celui de la culture de Fleur Pellerin.

C’est une péripétie liliputienne du type de celles qu’adore la France, portée au paroxysme, dans l’outrance et le ridicule, par des personnalités pour qui la culture est une obligation et un pensum et notre nation a du temps à perdre, à dilapider.

On a le droit de ne pas lire un seul roman de Patrick Modiano et si on s’avisait d’être aussi impitoyable à l’encontre de certains de nos intellectuels et journalistes qu’ils se sont plu à l’être en se moquant de Fleur Pellerin, leur caste serait décapitée!

Qu’on songe que Claude Askolovitch n’a pas hésité à pourfendre une ministre qui nous entraînait vers “l’état de barbarie” et aurait dû démissionner ! Que devra-t-elle donc faire si un jour elle commet une faute gravissime ?

Jack Lang, ancien ministre de la culture qui, dans la nostalgie, fait quasiment l’unanimité est venu courageusement à son secours. J’ai retrouvé la personnalité qui avec éclat s’était portée au secours de la liberté d’expression dans les polémiques concernant les spectacles douteux de Dieudonné. Aurélie Filippetti aurait dû s’en inspirer mais elle n’est plus à un ressentiment près !

J’ai toujours apprécié Fleur Pellerin, je suis partial mais je persiste : elle n’a commis aucun péché mortel et la France ne tremble pas sur ses bases à cause d’elle, pas plus d’ailleurs que la culture. Elle aura probablement chapîtré l’un de ses conseillers et c’est tout.

Si la seule tragédie française, aujourd’hui, était de ne pas pouvoir citer le titre d’un roman de Modiano, notre pays serait au comble de la félicité !

On sait bien que non et un drame authentique nous l’a récemment rappelé.

Fleur Pellerin est innocente.

Source : le blog de Philippe Bilger, Justice au Singulier

Non-lecture(s): quand une ministre nous afflige…

Adieu la Culture, Fleur Pellerin n’a pas lu un livre depuis deux ans.

Temps. Fleur Pellerin n’a donc «pas le temps» de lire. Sous-entendu: «À quoi bon lire quand on manque de temps.» Ou pire: «Aucune place pour le livre dans un agenda surchargé.» Bienvenue chez les énarques en politique, capables de répliques spontanées d’autant plus sincères (sic) qu’ils ne voient jamais où est le problème et pourquoi certains de leurs comportements ou propos «disent» quelque-chose de pourri au royaume de notre époque.

Avez-vous lu le dernier Modiano? Bah, non… Quel est le livre du prix Nobel que vous avez préféré? Euh… Et le coup de grâce: je n’ai pas ouvert un livre depuis deux ans… Pensez-donc, avec toutes ces responsabilités, il faudrait en plus se disperser en énergie dans la littérature, dans les récits, dans les essais? N’y pensez même pas, chassez définitivement les paroles frémissantes, le souffle puissant, la carcasse immense, celle du poète ou du romancier qui donnent de la matière et de la chair aux mots, des ailes à l’esprit, toujours en avance d’un horizon, jamais à court d’invention, donc d’espoir.

Pas le temps, cela ne se discute pas ; pas le temps, cela ne se négocie plus ; pas le temps, d’ailleurs à quoi bon en perdre.

Songes. Frères de livres, séchez vos larmes. C’était bel et bien la ministre de la Culture qui avouait ainsi ne pas avoir lu un livre depuis deux ans, préambule surréaliste à la semaine des principaux prix littéraires distribués dans ce pays si singulier, la France. Vous vous souvenez, la France?

Mère et fille (souvent l’une ou l’autre) des lettres, des arts et des Lumières. Mais que s’est-il donc passé ici-et-maintenant pour qu’une successeure de Malraux finisse par admettre qu’elle ne lit pas ou plus, pas même trente ou quinze minutes par jour, avant de s’endormir par exemple, comme le font des millions de nos concitoyens, pour plonger dans le sommeil comme on entre dans la vie, celle de la conscience des rêves, celle des sommeils tourmentés quand brûle en nous la soif d’évasion et de création? Oui, qu’est-il advenu pour que semblable aveu – prodigieux aveu en vérité ! – renverse si peu le cœur et l’esprit de nos «élites»?

Au fond, de quoi cet aveu est-il le signe? S’agit-il d’un sommet de l’incompétence en politique, qui préfère la technocratie des stratégies financières et logistiques à l’art des lettres et du roman comme possibilité d’imagination et d’émancipation? Doit-on y voir une indication sur le « niveau » de la ministre concernée, autrement dit sur le «niveau» général de l’exécutif actuel, qui, côté culture, ne donne guère confiance? Que s’est-il produit d’insensé au pays de Voltaire, d’Hugo, de Le Clézio et de Modiano, pour qu’une personnalité en apparence aussi brillante que Fleur Pellerin, élevée dans les grandes écoles et nourrie à l’excellence de nos héritages multiples, se trouve ainsi prise en flagrant délit d’inconséquence intellectuelle et qu’elle ose se dire «scandalisée» des attaques dont elle est depuis, assez logiquement, victime?

D’autres, en pareille circonstance, auraient rectifié le tir en déclamant leur flamme éperdue à la littérature ; pas elle. Le moment contemporain nous place dans une situation inédite. Le pro, la pro naviguent à vue sans carte ni repères lettrés, sur un océan d’illusions démontées. Il n’y a plus de quoi, il n’y a que des qui, enfants d’un système qui organise une nouvelle forme de déclin: la déculturation. Rappelons-leur à toutes et tous, avant de leur dire bonsoir: nous ne faisons partie d’un pays, comme les êtres humains font partie de l’humanité, qu’en mémoire et en espérance.

Supprimer les lettres de son intime, c’est bannir à la fois la profondeur du temps et l’insolence indéfinissable du futur – cette insolence créatrice sans laquelle il n’y a plus de songes, rien que des dogmes.

Source : Le blog de Jean-Emmanuel Ducoin (article repris dans l’Humanité)

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