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La Grèce mettra-t-elle ses bases militaires à disposition des Russes?

Publié le par Felli Bernard

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La Grèce mettra-t-elle ses bases militaires à disposition des Russes?

19 avril 2015 Éric Verhaeghe Une semaine en Europe

La Grèce a encore constitué le clou du spectacle mondial cette semaine, et on commence à comprendre (enfin!) le principal obstacle au règlement de la situation: Tsipras ne veut pas réformer les retraites, comme ses créanciers le lui demandent. Du coup, Tsipras confirme son virage vers Moscou, avec des annonces inquiétantes.

Pressions internationales grandissantes sur la Grèce

L’air de rien, les différents sommets internationaux qui se sont tenus cette semaine ont donné l’occasion, aux créanciers de la Grèce, de déclencher un véritable orage d’acier politique sur le ciel athénien.

La BCE relève de 800 millions le plafond d’intervention d’urgence en faveur des banques grecques. Cette technique permet aux banques grecques de financer discrètement l’Etat. Le lendemain, Mario Draghi, à l’issue de la réunion de la BCE, explique:

Cette aide aux établissements grecs pourrait-elle s’interrompre? «La réponse est entièrement entre les mains des Grecs», a déclaré le patron de la BCE. Une manière de dire à demi-mot qu’il est temps pour le gouvernement d’Alexis Tsipras de présenter enfin la liste de réformes que lui réclament pour la semaine prochaine ses créanciers, la BCE, l’Union européenne et ses États membres ainsi que le FMI. «Nous continuerons de rallonger les liquidités aux banques grecques tant qu’elles sont solvables et présentent des collatéraux (garanties, ndlr) suffisants», a cependant ajouté Mario Draghi, se retranchant derrière les règles en vigueur.

De son côté, Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, déclare lors d’une conférence de presse:

« Une crise grecque ne peut être exclue, et cela serait un évènement qui déstabiliserait les marchés financiers », a estimé M. Blanchard en présentant les prévisions économiques révisées du Fonds monétaire international pour 2015 et 2016.
« Nous sommes au milieu de négociations avec les Grecs et nous voulons vraiment qu’elles aboutissent », a-t-il affirmé. Mais une sortie de la Grèce de l’euro « serait très coûteuse et très douloureuse pour la Grèce », a-t-il averti.
« Le reste de la zone euro est en meilleure position pour faire face à une sortie de la Grèce. Certains des pare-feux qui n’étaient pas là avant, le sont maintenant et même si cela ne serait pas facile, cela pourrait être fait », a-t-il estimé.
« Si cela devait arriver, la façon de rassurer les marchés serait d’utiliser cette opportunité pour réaliser des progrès sur la voie d’une union budgétaire et politique et cela serait clairement le bon moment pour le faire »

L’agence de notation Standard’s and Poor baisse la note de la Grèce à CCC+ « en raison de l’incertitude entourant les négociations prolongées entre le gouvernement grec depuis bientôt trois mois à la tête du pays et ses créanciers officiels ».

Le même jour, l’office public grec de statistiques révisait à la hausse le déficit 2014 et à la baisse l’excédent budgétaire laissé par le précédent gouvernement. Preuve est donc faite que Samaras avait tripatouillé les chiffres pour faire croire à une embellie économique destinée à faciliter sa réélection.

Les Echos publient une tribune de Joseph Stiglitz accusant les Européens de laisser la Grèce faire faillite sans réagir.

De son côté, Wolfgang Schaüble, le ministre allemand des Finances, annonçait:

« Personne ne dispose du moindre indice laissant espérer que nous parviendrons à un accord sur un programme ambitieux », a-t-il dit, ajoutant que le gouvernement Tsipras, en fonctions depuis fin janvier, avait « détruit » tous les progrès économiques réalisées par la Grèce depuis 2011.

La BCE rend un avis juridique jugeant le projet de loi sur les saisies immobilières présenté par Athènes beaucoup trop permissif.

Le FMI et la Banque Mondiale tenaient leurs réunions de printemps à Washington, en marge du G20. La Grèce et son défaut imminent ont occupé l’essentiel des discussions, pendant que les taux grecs dépassaient les 10%, voire les 30% pour les taux à 3 ans.

A cette occasion, Pierre Moscovici a soutenu qu’un « Grexit » n’était ni envisagé ni préparé (en patois moscovicien, il faut entendre le contraire…), mais il a ajouté cette phrase inhabituelle dans le philhéllenisme bisounoursien du commissaire:

« On travaille et on fait des progrès mais ces progrès sont trop lents et à ce stade trop faibles. Le temps commence à presser ». Il juge également qu’il « manque beaucoup de choses » dans la liste de réformes que la Grèce doit présenter à ses partenaires pour toucher le dernier versement du plan d’aide international actuellement en cours. Selon lui, il est « absolument indispensable que des progrès solides soient enregistrés » lors d’une réunion des ministres des Finances de la zone euro le 24 avril à Riga.

On notera donc avec intérêt que la réunion du 24 avril, présentée comme une séance de validation finale dans l’accord du 24 février, ne sera plus finalement qu’un point d’étape dans le parcours grec vers la rédemption.

Le ministre Varoufakis répondait:

« Nous ferons des compromis pour arriver à un accord rapide. Mais nous ne nous compromettrons pas ». Sans donner de détails concrets sur ces « compromis » qu’Athènes pourrait faire, il a estimé que « jouer avec l’idée d’un ‘Grexit’ (était) profondément anti-européen », et prévenu que prétendre en estimer les conséquences était « prendre ses rêves pour des réalités ».

Au cours d’une conférence de presse, Christine Lagarde déclarait pour sa part, en réponse à des assertions du Financial Times selon lesquelles la Grèce aurait demandé un report de paiement de son échéance du 6 mai:

« Nous n’avons jamais vu une économie développée demander des reports de paiements », a-t-elle souligné, rappelant que de tels reports entraineraient obligatoirement de nouveaux financements et que ceux-ci « signifieraient des contributions additionnelles par la communauté internationale », dont certains membres « sont dans une situation beaucoup plus difficile que celui qui demande ces reports ».

Si la Grèce n’était pas à l’ordre du jour du G20, elle a néanmoins occupé tous les esprits, confortés par l’inquiétude des marchés qui ont commencé à dévisser. Comme d’habitude, les dirigeants mondiaux ne se préoccupent guère des faits (si têtus…) qu’une fois le mur face à eux…

Le secrétaire américain au Trésor, Jack Lew, a déclaré vendredi: « ne pas parvenir à un accord créerait d’immédiates difficultés pour la Grèce et des incertitudes pour l’Europe et l’économie mondiale dans son ensemble« .

Selon un communiqué du Trésor, le responsable américain a encouragé les ministres des finances de la zone euro à « chercher une issue constructive« .

Le président américain, Barack Obama, lui-même a exhorté vendredi la Grèce à « engager des réformes« .

« Vous devez montrer à vos créanciers et à ceux qui soutiennent votre système financier que vous essayez de vous aider vous-mêmes« , a-t-il lancé à l’intention des Grecs.

Obama ajoutait même:

«La Grèce doit engager des réformes», a t-il dit. Les Grecs «doivent prélever les impôts. Ils doivent réduire leur bureaucratie, flexibiliser leur marché du travail».

Le ministre britannique Osborne déclarait de son côté:

« La situation en Grèce est l’une des plus inquiétantes à ce jour pour l’économie mondiale. Il me semble évident qu’une initiative ou un calcul malheureux de la part de quelque partie que ce soit pourrait aisément replonger les économies européennes dans le genre de situation périlleuse que nous observions voici trois à quatre ans »

Le G20 a par ailleurs donné l’occasion de tirer la sonnette d’alarme sur la guerre des monnaies et sur les bulles spéculatives…

Last but not least, Varoufakis rencontrait à Washington Lee Buchheit, avocat spécialiste des défauts souverains. De quoi alimenter les fantasmes sur une prochaine banqueroute grecque.

La Grèce devait rencontrer ses créanciers internationaux à Bruxelles. Si les Grecs ont une fois de plus manifesté leur optimisme à l’approche de cette rencontre, la réaction de la BCE n’a laissé planer aucune forme d’équivoque sur la conclusion. Mario Draghi a en effet déclaré:

M. Draghi a estimé qu’il fallait «rétablir le dialogue», alors que les créanciers internationaux attendent de la Grèce une liste de réformes, avant de délivrer au pays une aide de 7,2 milliards d’euros dont il a cruellement besoin.

Le chef de la BCE a également demandé des réformes «chiffrées» et a exigé que le gouvernement de la gauche radicale Syriza soit attentif à «l’impact budgétaire» de ses propositions.

Refusant de spéculer sur un défaut de paiement de la Grèce, synonyme presque certain de sortie de l’euro, M. Draghi a toutefois estimé que la zone euro s’était dotée d’instruments face au risque de contagion, qui «seraient utilisés en cas d’escalade de la crise».

Un désaccord sur la réforme des retraites

Au fil des semaines où se déroule ce formidable sur-place digne des championnats du monde de poursuite cycliste, il apparaît que le principal point d’achoppement entre les parties porte sur la réforme des retraites. C’est Christine Lagarde qui a fini par cracher sa pastille:

La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a répété jeudi pendant un séminaire à Washington qu’Athènes n’avait pas d’autre choix que de réformer son système de retraites, « qui n’est pas viable en l’état », et son système fiscal, « avec la nécessité d’avoir des autorités fiscales indépendantes et des collectes d’impôts efficaces ».

Elle a aussi plaidé pour une libéralisation du secteur des biens et services en raison du poids « des intérêts particuliers » qui entravent la compétition.

C’est précisément sur ce point que Tsipras livre bataille:

Dans une déclaration à Reuters, le chef du gouvernement de la gauche radicale a fait état de « progrès notables » sur les questions de la collecte de l’impôt et de la lutte contre la corruption.

Il a en revanche évoqué quatre points de désaccord avec l’UE et le FMI : l’emploi, la réforme des retraites, la hausse de la TVA et enfin les privatisations, qu’il préfère qualifier de « développement des actifs de l’Etat ».

En réalité, seule la réforme des retraites et marginalement la flexibilité du marché du travail posent un vrai problème. Le gouvernement Tsipras a en effet procédé à ses premières privatisations cette semaine. En outre, il mène d’ores et déjà une politique de hausse fiscale, en luttant contre la fraude à la TVA et en mobilisant les biens de l’église, exonérée d’impôts.

En attendant que les belligérants se mettent d’accord, Tsipras vide les caisses partout où il trouve encore un peu de gras, pour tenir le plus longtemps possible. Plus personne ne sait si la date limite pour le défaut grec se situe au 24 avril ou au 12 mai… Il est plus probable que la Grèce soit d’ores et déjà en faillite, mais que les places financières fassent semblant de l’ignorer.

Tsipras vend l’âme de la Grèce à la Russie

Face à ce déluge de pressions, Tsipras a pris le taureau par les cornes. Dans la foulée de sa visite à Poutine le 8 avril, il multiplie les signes d’allégeance au président russe, non sans une certaine malice qui agace déjà ses nouveaux amis.

Ainsi, le gouvernement grec a fait courir la rumeur qu’il allait obtenir une avance sur recettes d’exploitation de 5 milliards d’euros en échange de sa participation au projet encore évanescent Turkish Stream. Moscou s’est empressé de démentir l’information:

Non, il n’y a pas eu d’accord, a réagi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, sur les ondes de la radio Business FM. Vladimir Poutine a lui-même déclaré que personne n’avait demandé de l’aide (à la Russie).

Naturellement, la question de la coopération énergétique a été soulevée (…) et va être étudiée par les experts, mais la Russie n’a pas promis d’aide financière, tout simplement parce que personne ne l’a demandé, a-t-il ajouté.

La Russie négocie-t-elle de plus en plus chèrement une aide financière à la Grèce? Certains signaux faibles l’indiquent.

La rumeur commence par exemple à courir selon laquelle la Grèce mettrait ses bases militaires à disposition de l’armée russe. En outre, la Grèce, qui est pourtant ruinée, a entamé des négociations pour acheter de l’armement russe.

On voit bien la stratégie de Poutine, excellent commercial décidément, évoquée la semaine dernière dans ces colonnes: exiger des concessions immédiates et des engagements commerciaux grecs en échange d’une hypothétique aide future.

Malgré la Grèce, Draghi fore droit

Alors que la situation grecque commence (trop tardivement, puisqu’il s’agit d’une chronique d’un écroulement annoncé) à stresser pas mal de monde sur notre petite planète, et que l’instabilité financière devient un sujet de préoccupation majeure pour le G20, Mario Draghi a annoncé qu’il continuait à faire tourner la planche à billets:

« Nous mettrons l’accent sur la pleine exécution de nos mesures de politique monétaire », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion du Conseil des gouverneurs, avant d’ajouter que ce programme était « suffisamment flexible » pour être ajusté en cas de besoin.

Le patron de la BCE a également commenté les craintes de certains observateurs de voir l’institution européenne confrontée à une pénurie d’obligations disponibles sur le marché, les trouvant « un peu exagérées ». Il a également minimisé les spéculations selon lesquelles les récents signes de reprise de l’économie dans la zone euro pourraient inciter la banque à revoir en baisse son plan de rachats.

Pourtant, certains signes avant-coureurs devraient éveiller l’attention. L’intervention massive de la BCE place en effet les assureurs-vie en situation de risque systémique:

les tests de résistance réalisés par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) « font apparaître que 24 % des assureurs risquent de ne pas pouvoir tenir leurs exigences de solvabilité » si les taux restent durablement faibles.

Les assureurs vie doivent en effet rémunérer les porte-feuilles de leurs clients avec des taux positifs, alors que la politique de la BCE effondre les taux des actifs les plus sûrs.

Par ailleurs, la BCE a demandé aux banques européennes de déprécier leurs actifs liés à la banque autrichienne Heta, au bord de la faillite.

Voilà qui s’appelle jouer avec le feu.

Pendant ce temps, la Commission déclare la guerre à Google

Pendant que le monde entier retient son souffle sur la crise grecque, la Commission européenne a décidé d’ouvrir un autre front: l’accusation d’abus de position dominante lancée contre Google. Une amende de 6 milliards d’euros pourrait être prononcée. Il est vrai que l’enquête contre Google ne dure que depuis 5 ans, et que l’approche d’un défaut grec ne justifiait pas que la Commission mobilise ses services sur le sujet Google à un autre moment.

Au passage, les déclarations tonitruantes du patron d’Orange, Stéphane Richard, ont permis de comprendre l’envers du décor sur ce dossier. Manifestement, l’industrie européenne des télécommunications est bien décidée à remporter plusieurs victoires, dont une condamnation de Google, pour récupérer les bénéfices que le géant américain engrange sans rémunérer les opérateurs.

Voilà un dossier qui méritera un prochain billet un peu plus étoffé…

L’Europe plus faible que jamais

Je conclus ce billet en signalant l’excellent papier du site Contexte sur l’un des principaux acteurs de la politique européenne: Donald Tusk. Cet ancien Premier Ministre polonais va devoir gérer les situations les plus épineuses de l’Union… Et il ne semble pas du tout équipé pour y parvenir. Voilà une occurrence bien fâcheuse pour le continent…

2 comments Commission Européenne, Euro, Grèce, Syriza, Tsipras, UE

2 comments
  • fredr31

    19 avril 2015 at 13 h 29 min

    Je ne comprends pas le raisonnement dans votre phrase :
    « Par ailleurs, la BCE a demandé aux banques européennes de déprécier leurs actifs liés à la banque autrichienne Heta, au bord de la faillite.
    Voilà qui s’appelle jouer avec le feu. »

    Cordialement

    Répondre

  • Éric Verhaeghe

    19 avril 2015 at 19 h 34 min

    En fait, la banque autrichienne Heta devrait faire faillite. La BCE a prévenu que tous ceux qui pensaient avoir d’une façon ou d’une autre des actifs dans cette banque devaient se préparer à tout perdre et à inscrire cette perte dans leur bilan sans attendre. Il est assez curieux qu’une faillite bancaire survienne en Europe sans inquiéter outre mesure les marchés. Tout ceci donne le sentiment d’une inconscience collective de la finance vis-à-vis des risques qui l’entourent.

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