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Le Pentagone et les chefs de la CIA pensent que la Russie ne respectera pas le cessez-le-feu en Syrie

Publié le par Felli Bernard

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L’article original paru dans The Wall Street Journal

Le Pentagone et les chefs de la CIA pensent que la Russie ne respectera pas le cessez-le-feu en Syrie

L’alliance émergente de faucons dans le cabinet ministériel à propos de la Russie révèle un désaccord dans l’administration

Le 23 février 2016

Les hauts responsables pour l’armée et le renseignement du président Barack Obama, convaincus que la Russie ne respectera pas le cessez-le-feu en Syrie, poussent à des moyens pour augmenter la pression sur Moscou, y compris étendre l’aide militaire secrète à certains rebelles qui subissent maintenant le pilonnage des frappes aériennes russes.

Le secrétaire à la Défense Ash Carter, le général de marine Joseph Dunford, le chef d’état-major des armées, et le directeur de la CIA John Brennan ont exprimé des points de vue de plus en plus durs lors de réunions à la Maison Blanche, appelant à de nouvelles mesures pour «infliger une douleur réelle aux Russes», a dit un haut responsable de l’administration.

L’alliance naissante de faucons russophobes révèle le désaccord entre la Défense et les responsables diplomatiques et pourrait faire pression sur M. Obama pour qu’il commence à agir plus énergiquement contre Moscou. Mais procéder de cette manière risque d’entraîner les États-Unis plus profondément dans une lutte par procuration en Syrie, avec Moscou montrant peu de signes de diminution de son soutien au président Bachar al-Assad.

Le gouvernement syrien a dit mardi qu’il acceptait le cessez-le-feu annoncé la veille par les États-Unis et la Russie. Mais il a dit que des opérations militaires se poursuivraient non seulement contre État islamique et le Front al-Nusra lié à al-Qaïda – tous les deux qualifiés par les Nations Unies d’organisations terroristes – mais aussi contre «d’autres groupes terroristes liés à ceux-ci».

La Russie et le régime Assad ont étiqueté tous les groupes rebelles comme terroristes – ce qui brouille les perspectives pour toute trêve.

La délégation de l’opposition aux pourparlers de paix sous l’égide de l’ONU à Genève a dit lundi qu’elle soutenait l’accord russo-américain, à plusieurs conditions liées aux questions humanitaires.

La campagne de bombardements en Syrie lancée l’automne dernier a rendu furieuse la CIA, en particulier parce que les frappes ont visé de manière agressive des rebelles relativement modérés qu’elle a soutenus avec des fournitures militaires, y compris des missiles anti-blindés, expliquent des responsables étasuniens.

Le gouvernement syrien du président Bachar al-Assad a donné mardi son soutien conditionnel à une proposition de cessez-le-feu, dont la communauté internationale espère qu’il relancera les négociations de paix dans le pays déchiré par la guerre. Cette annonce arrive moins d’un jour après que les États-Unis et la Russie ont convenu d’appliquer le cessez-le-feu samedi.

Les fonctionnaires disent qu’on ne sait pas si l’intensification du soutien ferait beaucoup de différence à ce stade, étant donné la façon dont beaucoup de rebelles soutenus par la CIA ont subi des pertes au cours de la récente offensive pro-régime.

Obama a été réticent à autoriser les États-Unis ou leurs partenaires régionaux à fournir aux rebelles des armes antiaériennes sol-air avancées pour contrer les frappes aériennes. Alors que l’introduction de cette sorte de système pourrait changer la donne, toute décision d’aider les rebelles à poursuivre directement les soldats russes ou à détruire des avions russes pourrait signer une escalade dramatique.

Au cœur du débat, il y a la question de savoir quelle confiance placer dans la diplomatie à ce moment du drame syrien.

Mardi, à Capitol Hill, le secrétaire d’État John Kerry a dit qu’il y avait eu des discussions au sein de l’administration sur la stratégie à poursuivre, «dans l’éventualité où nous ne réussirions pas» dans les négociations. Il a noté que le président a le pouvoir de prendre des sanctions supplémentaires contre Moscou.

Mais M. Kerry a dit aussi que «c’est le moment d’essayer de voir si oui ou non nous pouvons faire ce travail, et non de trouver des moyens pour préempter d’avance leur échec, et de commencer à parler de tous les inconvénients liés à de ce que nous pourrions faire ensuite».

Les officiels ont dit que ni M. Carter ni le général Dunford n’ont formellement soumis des recommandations à M. Obama. Le secrétaire de presse du Pentagone Peter Cook a refusé de commenter, tout comme le porte-parole du directeur de la CIA. Le capitaine de la Navy Greg Hicks, un porte-parole du général Dunford, a dit que les recommandations du général étaient privées.

Un haut responsable de l’administration a dit, à propos du compte-rendu de la Maison blanche : «Nous jugerons la Russie à ses actes, non à ce qu’elle dit.»

Le responsable a ajouté : «Pour être clair : nos actions ne visent pas la Russie. Notre objectif, cependant, ne change pas le fait que la Russie, en s’engageant de plus en plus aux côtés d’un dictateur brutal dans un conflit vicieux, finira par s’empêtrer dans un bourbier. Si elle ne change pas de cap, la Russie s’infligera son propre sort.»

En plus de l’extension du programme de la CIA, d’autres choix en discussion comprennent la fourniture de renseignements aux rebelles modérés afin de les aider à mieux se défendre contre les attaques aériennes russes et à mener des opérations offensives plus efficaces, ont déclaré les responsables.

Une autre option, qui recueille un large soutien parmi les conseillers de M. Obama, serait d’imposer de nouvelles sanctions économiques à la Russie. Mais des hauts responsables de l’administration disent douter que les puissances européennes seraient d’accord, étant donnée l’importance qu’elles placent dans le commerce avec la Russie.

Le processus de négociation avec Moscou, ce mois-ci, sur un accord de cessez-le-feu en Syrie a révélé le fossé en train de se creuser au sein de l’administration.

Carter avait publiquement exprimé son soutien à des négociations conduites par M. Kerry. Mais alors que les pourparlers étaient en cours la semaine dernière, MM. Carter et Brennan, et le général Dunford, ont averti en privé la Maison Blanche qu’elle risquait de saper la position de Washington auprès de ses partenaires régionaux dans les deux coalitions dirigées par les États-Unis – l’une pour soutenir les rebelles anti-Assad, l’autre combattant État islamique –, ont déclaré des responsables.

À un moment donné, le Pentagone était proche de retirer ses représentants des pourparlers sur le cessez-le-feu après que les Russes ont réclamé que la coopération militaire entre les États-Unis et la Russie fasse partie des discussions à huis-clos. Selon de hauts responsables de l’administration, M. Carter a été contrarié par les demandes russes parce qu’il avait explicitement exclu de telles discussions, ont dit encore les responsables.

Le Pentagone croit que la Russie a tenté d’enfoncer un coin entre les États-Unis et leurs partenaires de la coalition pour faire croire que Washington soutenait la campagne militaire de Moscou en Syrie et acceptait M. Assad.

Alors que la Russie était engagée dans les pourparlers de cessez-le-feu, les responsables étasuniens disent que ses avions de combat ont accru leurs attaques sur les positions tenues par des rebelles modérés. La Russie maintient que ses frappes aériennes visent des groupes terroristes.

Kerry pense que l’accord de lundi a «une vraie chance de succès», selon un responsable de l’administration proche du secrétaire. Au contraire, M. Carter a dit à des fonctionnaires subalternes qu’il ne tiendrait pas. «Il pense que c’est une ruse», a déclaré un haut responsable.

Carter et Brennan et le général Dunford ont soulevé beaucoup de leurs préoccupations lors de réunions la semaine dernière réunissant M. Kerry, la conseillère à la sécurité nationale à la Maison Blanche Susan Rice et le chef d’état-major de la Maison Blanche Denis McDonough, selon de hauts responsables de l’administration.

Le responsable proche de M. Kerry a dit que le secrétaire reconnaissait le défi que constituait le fait de garantir le respect russe [du cessez-le-feu]. Il a ajouté que l’accord était en partie destiné à vérifier si on peut faire confiance à Moscou. Si la Russie ne respecte par l’accord, alors «la réflexion sur le Plan B doit avoir lieu», a-t-il déclaré.

Kerry a soutenu le programme de la CIA en Syrie par le passé et a plaidé en faveur d’un plus grand engagement militaire, tel que la création d’une zone de sécurité pour protéger l’opposition modérée. Mais le Pentagone a résisté à de telles idées, avertissant que cela pourrait conduire à un conflit avec la Russie, ont dit des responsables de l’administration.,

Les hauts responsables de l’administration impliqués dans les discussions ont dit qu’on ne savait pas clairement si M. Obama soutiendrait l’extension du programme de la CIA. Mme Rice, M. McDonough et d’autres responsables de la sécurité nationale à la Maison Blanche ont exprimé leur scepticisme dans le passé par rapport aux efforts de la CIA.

Des critiques au programme de la Maison Blanche ont averti que le soutien ouvert aux rebelles pourrait pousser plus profondément les États-Unis dans le conflit au fil du temps, avec de petites chances de réussite tant que Moscou continue à vouloir accroître son soutien à M. Assad, selon d’anciens responsables de l’administration.

Des responsables, anciens et actuels, ont dit que M. Obama avait été persuadé en 2013 de donner le feu vert au programme secret en Syrie, en partie parce que pratiquer de cette manière conférait à la CIA de l’influence sur les actions des partenaires régionaux, y compris les services de renseignements saoudiens et turcs, les empêchant, par exemple, d’introduire des armes anti-aériennes avancées connues sous le nom de Manpads sur le champ de bataille. Washington a averti que ces armes pourraient tomber dans les mains des terroristes et être détournées contre les avions commerciaux.

Si les États-Unis n’entreprennent rien pour empêcher que les forces rebelles modérées soient anéanties par l’offensive soutenue par la Russie, les Saoudiens ou quelque autre groupe pourraient décider de se détacher de Washington et d’envoyer des missiles Manpads en grand nombre au nord de la Syrie pour abattre les bombardiers russes, ont averti les services de renseignements américains s’adressant aux décideurs politiques, augmentant ainsi les risques d’un conflit plus large.

Traduit par Diane, vérifié par jj, relu par nadine pour le Saker francophone

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