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Pékin-sur-Davos, ou le chant(re) du globalisme

Publié le par Felli Bernard

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Pékin-sur-Davos, ou le chant(re) du globalisme
lundi 16 janvier 2017 00:00
Pékin-sur-Davos, ou le chant(re) du globalisme

On sait bien que pour nous, le concept d’antiSystème est d’une rationalisation extrêmement ferme et simple (“tout ce qui est contre le Système, visant à détruire le Système ou à l'aider à s'autodétruire”) et d’une opérationnalisation extrêmement fluide, changeante, parfois énigmatique, très souvent surprenante ; il est, l’antiSystème, sauf pour les rares psychologies qui s’y sont accrochées fermes parce qu’elles savent que là seulement se trouve aujourd’hui le combat qui compte, complètement insaisissable dans sa course, complètement insoucieux des alliances, des lois de la géopolitique, des intérêts financiers et des complots (sans aucun doute réels) sans fin et sans nombre, et il ne cherche à se fixer que sur ce qui, à l’instant présent, fera le plus de tort au Système. Il ne pouvait faire aucun doute que la venue fracassante d’une sorte d’“électron libre” de cette taille si gigantesque qu’est Donald Trump ne pouvait qu’engendrer des conséquences extrêmes, des dé-rangements formidables complètement imprévus suivis de nouveaux rangements colossaux complètement inattendus. C’est le cas avec l’ouverture de la messe annuelle rituelle de Davos, cette fois avancée dans la calendrier d’une bonne décade par rapport à la tradition  pour que son terme correspondît avec l’entrée en fonction du président Trump.

La Chine y tiendra la vedette, dans tous les cas comme laudateurs sans mesure de la globalisation, tandis que d’autres, plus tacherons qu’impériaux, exploreront le thème du “comment s’arranger de la montée du populisme et de l’anti-globalisme”. Les USA officiels étant représentés par les derniers débris, – Jo Biden et John Kerry, – de l’administration Obama occupée actuellement à tenter de lancer une Troisième Guerre mondiale in extremis, juste pour saluer le nouveau président ; mais personne, semble-t-il, de l’administration Trump, ce qu’impliquerait bien la chronologie de Davos qui se passe au moment de l’inauguration comme on l’a dit, comme si l’on se doutait bien, à Davos, qu’il n’y a rien à attendre de Trump et de sa bande...

Certes, l’on sait depuis longtemps que dans la formule “un pied-dedans-un pied-dehors” (par rapport au Système), la Chine était beaucoup plus inclinée à être dedans que, par exemple et exemple fondamental, la Russie. L’arrivée de Trump fait tomber le masque de l’hypothèse pour dévoiler les vérités-de-situation. Ce qui était possible-probable devient avéré et renverse brutalement l’orientation de nombre de supputations, de perspectives et d’évaluations. Par exemple et aussitôt avancée vient l’hypothèse que la tournure plutôt anti-chinoise et pro-russe de l’équipe Trump vient clairement de son orientation fondamentale anti-globaliste, – qui devient alors une orientation antiSystème, beaucoup plus qu’idéologique, voire que stratégique et commerciale, même elle est tout cela en même temps.

Dans Katehon.com ce 16 janvier (texte ci-dessous), Kerry Bolton fait une analyse serrée de ce qui deviendrait la Chine-Système, passant du statut de membre de la coalition antiSystème du temps du BRICS lorsque le BRICS avait une signification ontologique antiSystème forte, à celui de principal rempart de la globalisation et par conséquent, au niveau ontologique par rapport au Système, du globalisme comme principal instrument déstructurant du Système. Bolton en fait surtout une histoire de la finance américaniste (« Modern China a Creation of Wall Street »), ce qui reste pour nous une occurrence accessoire, mais montre assez bien comment la fraction anti-Trump et pro-Système se manifeste aujourd’hui dans ce sens, en même temps que ne cesse de s’affirmer son antirussisme.

    On remarquera bien entendu que certains aspects de cette analyse viennent de loin. Parmi les instigateurs de cette Chine-Système défenderesse de la globalisation, et donc alliée naturelle de la fraction Système/parti démocrate à Washington D.C., on y trouve mention de Zbigniew Brzezinski qui se trouve ainsi parfaitement en accord profond avec sa haine de la Russie. C’est Brzezinski qui, au printemps 2009 avait proposé une sorte d’“alliance” type-G2, ou “globalisation à deux”, entre les USA et la Chine ; Brzezinski en attendait que cette “alliance” brisât la Russie comme une noisette prise dans un casse-noisette gigantesque. Cette idée nous paraissait à cette époque complètement irréaliste et sans fondement parce que nous jugions la pensée politique chinoise très fortement influencée par les conceptions principielles telles que la souveraineté, que nous la jugions comme faisant partie d’une tradition immémoriale et s’opposant absolument aux anti-principes déstructurants de la globalisation. En un sens, nous jugions que la Chine jouait le jeu de la globalisation parce qu’il était impossible de faire autrement, mais qu’elle n’était pas globaliste pour autant.

    Il est bien possible, sinon tout à fait probable, que nous devions réviser cette conception pour ce qui est de la Chine tant les impératifs de la puissance économique ont pris le pas sur le reste dans le chef de cette puissance, et tant elle est ainsi devenue totalement dépendante du maintien de la globalisation jusqu’à devenir globaliste. Bien entendu, cette révision se fait, aujourd’hui, dans des conditions dramatiques de basculement cosmique, au moment où les USA basculent dans l’anti-globalisation et dans l’hostilité au globalisme, l’un et l’autre qui semblent constituer le pilier central assuré et immuable des conceptions trumpistes. Quoi qu’il en soit, une telle révision n’a rien pour nous effrayer selon les observations faites plus haut sur l’“opérationnalisation extrêmement fluide, changeante, parfois énigmatique, très souvent surprenante” du concept d’antiSystème.

Il faut alors songer à réviser complètement, après diverses alertes, les positions des uns et des autres par rapport aux postures Système & antiSystème, et notamment constater qu’il existe désormais entre la Chine et la Russie, – jugées indéfectibles “alliés stratégiques” en 2014-2015, – un fossé en cours de creusement qui pourrait s’avérer décisif. Bien entendu, l’ouragan-Trump et le chaos-Trump sont l’accélérateur et le détonateur explosifs de cette évolution en cours...

 L’une des “alertes diverses” dont nous parlons plus haut avait eu lieu en août 2015, avec la dévaluation du yuan et un remous économique mondial causé par la Chine-globalisée : « La Chine a fait le contraire de la Russie, laquelle commença par pulvériser son système politique, entraînant l’économie dans le chaos du capitalisme-western qui faillit réussir ce que le communisme n’avait pu réaliser : la dissolution et la disparition de la nation russe dans une sorte de trou noir de la barbarie postmoderne. Les circonstances et leur orientation changèrent en 2000, avec l’arrivée de Poutine, et il est apparu qu’une reconstruction de l’État était nécessaire pour espérer installer une économie viable, – laquelle serait, nul doute à cet égard, conforme aux prescriptions du marché et de l’hyperlibéralisme, donc satisfaisante pour la doxa élégante et impérative qui oriente notre pensée. Mais la reconstruction de l’État se fit selon des prescriptions historiques évidentes, abandonnant tout ce qui subsistait du passé communiste dans les structures mêmes de la chose. Certes, il y avait de la corruption, du centralisme bureaucratique, le poids important des services de sécurité nationale, mais tout cela alors que commençaient à réapparaître un sens de l’intérêt national appuyé sur des principes puissants, avec les notions de tradition, y compris dans un sens spirituel, avec l’Église orthodoxe, avec le rappel des fondements historiques. Ce renforcement constant de l’État dans un sens principiel fit apparaître que, dans un conflit éventuel entre le politique et l’économique, – conflit inévitable à notre sens et actuellement en cours, – l’État et sa politique appuyée sur les principes métahistoriques l’emporteraient. C’est ce qui manque aujourd’hui désespérément à la Chine, même si la politique chinoise voudrait se nourrir à la référence puissante de la tradition principielle.

» Ainsi l’adoubement de la Chine comme puissance centrale se fait-il dans des conditions extrêmement ambigües, où la puissance du politique se découvre minée par l’absence de fondations solides. Comme la Russie, la Chine a passé un marché avec le Système, ce qui la met, également comme la Russie, “un pied en-dedans, un pied en-dehors”. (Ce pied “en-dehors” se nomme BRICS, Organisation de Coopération de Shanghai, quasi-alliance avec la Russie, etc.) Mais contrairement à la Russie, elle est pieds et poings liés par ce marché, bien plus qu’elle ne se trouve en partie libérée comme l’est la Russie pour suivre la politique qui lui importe à cause des conditions qu’on a décrites. »

Voici donc le texte de Kerry Bolton, dans Katehon.com, du 16 janvier ; il n’est bien entendu pas indifférent que ce site, qui est celui de Douguine, ait choisi de publier ce texte qui aborde d’une façon si frontale la question des principes contre la globalisation ; il est d’ailleurs tout aussi évident que les perspectives impliquées par une telle analyse doivent peser fortement sur le concept d’“eurasisme” de Douguine, notamment dans les rapports que ce concept implique entre la Russie et la Chine.
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